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Musique et Vin au Clos – Vougeot : Vendanges musicales et climats chauds…

Lorsque je quittais le Clos-Vougeot, très tard une chaude nuit de juin dernier, je me retournais et aperçus le château au loin, dominant l’espace, la nuit avait des couleurs fantastiques et l’aventure qui s’achevait ne l’était pas moins…

Musique et vin : une alliance de mots qui semblent a priori aussi belle que le mélange de certains blancs avec un vieux comté… A priori, seulement, car j’ai souvent remarqué que pour mettre en acte l’association de ces deux mots, de nombreuses tentatives de livres, festivals, concerts, se révélaient souvent superficielles et vaines.

C’est pourquoi je suis partie en Bourgogne, pour assister au Festival Musique & Vin au Clos Vougeot, à la fois avec enthousiasme, curiosité et un certain scepticisme…

De fait, j’ai passé trois jours parmi les plus étonnants qu’il m’ait été donné de vivre dans ma vie professionnelle et personnelle, Si tant est qu’elle puisse se disjoindre…

Ce qui m’a saisi dans un premier temps, c’est la beauté des paysages de Bourgogne, la présence lumineuse de cette pierre blanche dont sont faites ses architectures, c’est cette dynamique de vie qui circule partout entre les gens du cru et les nombreux touristes, tous animés, réunis par la passion du vin.

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Une fois partie prenante de cette aventure, assistant aux concerts, dégustant ou plutôt apprenant à déguster, partageant avec tous – spectateurs, musiciens, vignerons – j’eus très vite la sensation que ces moments étaient d’exception. Cette exception étant donnée par la qualité des vins, celle de la musique et surtout par le fait que tous ceux qui étaient là, aimaient la musique et le vin avec là même force, la  même connaissance approfondie, la volonté commune de les faire goûter à l’autre. Tout cela avec une extrême et belle simplicité. En effet, la magie des lieux, la dégustation de vins parfois exceptionnels, cela avait tout pour être terriblement élitiste et snob et pourtant, en ces instants le mot « partage », tellement galvaudé, reprenait tout son sens, comblant nos sens et nos esprits. N’est-ce pas là ce qui relie intrinsèquement la musique et le vin :  les sens et l’esprit ?

L’idée du partage est inscrite dans l’objectif même de ce festival Musique & Vin au Clos Vougeot qui offre l’exception à petits prix pour les spectateurs-dégustateurs de toutes origines.  Partage également d’énergies et de moyens pour promouvoir et aider des jeunes musiciens en leur offrant de bourse chaque année, et le prêt d’instruments construits par des grands facteurs spécialement pour eux.

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Ce festival est une aventure entièrement conduite sur fonds privés et grâce au mécénat. Créé en 2007-2008 par Bernard Hervet avec Aubert de Villaine— cohéritier et cogérant du domaine de la Romanée-conti de Vosne-Romanée– le qui est le président. Daniel Weismann – l‘Orchestre philharmonique royal de Liège (OPRL)- en étant le dire secrétaire général et David Chan, premier violon au Metropolitan opéra, le directeur musical.

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 J’imagine qu’à me lire certains me trouveront sans doute exagérément enthousiaste ! Et c’est vrai que je le fus à chaque instant passé dans ce cadre et ses paysages. Au moment où le monde autour de nous devient de plus en plus désespérant et dangereux ( le jour de mon départ un nouvel acte de terrorisme islamiste  envahissait les médias et chacun de nos esprits…), au moment où la découverte de mondes lointains qui, il y a peu, nous semblaient  ouverts presque sans limite, semble se réduire  plus en plus, Il y a  une forme de consolation, d’apaisement à se dire que tout près de nous existent des territoires, des histoires culturelles qu’il reste encore à découvrir, éprouver, retrouver, grâce à la passion de ceux qui les aiment et les habitent. Entre fidélité au passé et passion du présent, ils animent et tissent ainsi pour nous des liens réels et imaginaires avec des siècles de notre propre histoire…

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Au cœur du domaine de la Romanée Conti :

Conversation avec Aubert de Villaine…

Si vous éprouvez à me lire curiosité et regrets de ne pas avoir vécu cette aventure qui dure déjà depuis huit ans. vous avez ici la possibilité d’en comprendre le sens et l’essence avec l’interview d’Aubert de Villaine, matinée de quelques autres brèves rencontres, et de sonorités saisies sur place….Aubert de Villaine ressemble à cette terre et a ses vins qu’il aime tant… Comme beaucoup des acteurs de de festival il allie harmonieusement en ce qu’il est et ce qu’il dégage : une grande simplicité d’être et d’approche et une sophistication de pensée et d’exigence…Il est notre guide dans le monde des vins et climats de Bourgogne et des musiques qui les accompagnent …

Ecouter  l’interview-documentaire  : 

 

Le Festival Musique et Vin au Clos-Vougeot vu par Bernard Hervet’]Bernard Hervet fait partie des quelques-uns qui ont la chance de vivre de leurs passions. Passion du vin, passion de la musique. En vivre et les faire vivre, car il transcende ses deux amours par le partage. Ainsi a-t-il créé en 2007-2008 avec Auber de Villaine Il en est le directeur

JMV – Comment, en 2007, vous est-il venu l’idée de créer avec Auber de Villaine le festival Musique et vin au Clos Vougeot ?

BH – J’avais cette idée d’allier vin, gastronomie, culture et musique depuis longtemps. J’avais déjà créé des événements de ce type lorsque j’étais Directeur Général de la maison Bouchard Père et Fils et des Chablis William Fèvre. Mais à l’époque, je n’avais pas de lieux s’accordant parfaitement à ce type de projet. Puis, un jour, à New York, en compagnie de David Chan, le premier violon du Metropolitan Opera, nous avons commencé à rêver ensemble à l’idée, très modeste au départ, de rassembler des amis pour créer une sorte de club de vignerons amateurs de musique et de musiciens amateurs de vins. Pour le premier concert, nous étions cent ! Des amis et des relations proches. David Chan et sa femme Catherine Ro, altiste au Metropolitan Opera, ont joué pour nous tous. Nous avons immédiatement senti que quelque chose se passait, un bonheur partagé, venu de cette « dégustation » conjointe de musique et de vins. Cela nous a donné l’envie d’un projet plus ambitieux. C’est ainsi qu’en 2008, sans argent mais pragmatiques, nous avons saisi l’occasion de la présence des solistes du Met au festival de Verbier début juillet et décidé de programmer notre premier festival avec eux, fin juin, juste avant Verbier. Voilà comment cela a modestement démarré, pour prendre ensuite, année après année, un beaucoup plus grand essor puisque, pour l’édition 2 015, nous avons des musiciens comme Yo Yo Ma, Gauthier Capuçon, Jean-Yves Thibaudet, la mezzo Angelika Kirchschlager, la soprano Marlis Petersen, le chef Maurizio Benini, les solistes de la Philharmonie de Vienne etc.

 JMV – Ce festival, c’est un esprit, mais c’est aussi un « décor « géographique et vinicole. Pouvez-vous nous en décrire les lieux et paysages ?

 BH – Le Clos Vougeot – cinquante hectares de vignes entourées d’un mur symbolise la Bourgogne. Le château du Clos Vougeot a été bâti par les moines cisterciens dont c’était à l’origine la cuverie. Dès le XI° siècle, ils ont commencé à produire un grand vin dans ces lieux en bâtissant un modèle de cuverie cistercienne : très simple, de formes et de volumes parfaitement adaptés au vin. Il y a eu des modifications à la Renaissance. Aujourd’hui, ce lieu continue à remplir sa fonction à la perfection. De plus, on y est très à l’aise pour y écouter de la musique. Dans le cellier qui abritait autrefois de nombreuses barriques de vin, on fait de la musique de chambre. Lorsque le temps le permet, l’on peut assister, dans la cour du Château, aux concerts de l’orchestre éphémère que nous avons créé et baptisé Les Climats de Bourgogne. Il se produit une seule fois par an. Son nom est très symbolique de la Bourgogne, il a d’ailleurs été lancé une action pour l’inscription des « climats » du vignoble de Bourgogne sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, au titre de « site culturel, œuvre conjuguée de l’homme et de la nature. »

 JMV – Ces « climats » de Bourgogne, n’ont évidemment rien  à voir avec la météorologie ! Le site de soutien à cette démarche auprès de l’UNESCO nous en donne la définition suivante : « Chaque Climat de Bourgogne est une parcelle de vigne, soigneusement délimitée et nommée depuis des siècles, qui possède son histoire et bénéficie de conditions géologiques et climatiques particulières… Chaque vin issu d’un Climat a son goût et sa place dans la hiérarchie des… Les Climats sont plus de 1000 à se succéder sur un mince ruban courant de Dijon à Santenay, au sud de Beaune ; certains répondent à des noms illustres comme Chambertin, Romanée-Conti, Clos de Vougeot, Montrachet, Corton, Musigny...Tous ces noms qui nous font rêver et voyager, tous ces vins de Bourgogne que vous aimez tant, comment les définiriez-vous ?

 BH – J’aime le Bourgogne, ce qui ne m’empêche en rien d’aimer le Bordeaux ! Mais, il est vrai que les plus grandes émotions me sont venues des vins de Bourgogne. Il me semble que les hommes qui fabriquent ces vins ont un attachement à la terre, à l’Histoire, au sens noble du terme, plus exaltants que les autres terres vinicoles. Peut-être les choses sont – elles exacerbées en Bourgogne du fait de la petitesse des territoires et donc de la rareté des vins. Selon les vignobles périphériques que l’on intègre aux vins de Bourgogne, la totalité des vignobles est cinq ou dix fois plus petite que les vignobles bordelais. Nous avons donc un sentiment de rareté, d’exclusivité et donc de quelque chose de très précieux… Cela sans doute attise la passion et la subjectivité… Le Clos Vougeot incarne cela parfaitement. Son château isolé au milieu des vignes, à la fois simple et majestueux, est un lieu qui, je crois, procure à tous ceux qui y viennent une grande sérénité. Le vin lui-même du Clos Vougeot est un vin terrien qui peut être critiqué par ceux qui ne savent pas attendre. En effet, il lui faut au moins dix ans pour commencer à livrer ses multiples facettes, un peu comme la musique qui se déguste de mieux en mieux, peu à peu…

 JMV – L’on pourrait dire cela également de la « fabrication » d’un jeune musicien, un sujet qui vous tient très à cœur, puisque vous suscitez de nombreuses actions d’aide aux jeunes musiciens dans le cadre de la Fondation Jeunes Talents ?

 BH – C’est vrai et cela répond à la question des objectifs d’un tel festival. Nous nous finançons uniquement sur fonds privés grâce à la fidélité et à la générosité de nombreux mécènes. Pour les motiver, il fallait que cet événement ne soit pas seulement hédoniste, mais aussi riche d’un but véritable. En ce sens, aider les jeunes musiciens à démarrer une carrière est notre aiguillon depuis les commencements. Erwan Faiveley, du domaine de Nuits-Saint-Georges, a beaucoup contribué à ce choix au tout début. Dès les origines, du fait du lien très étroit entre les États Unis et la Bourgogne, nous offrons chaque année deux bourses conséquentes, de dix mille euros chacune, à deux jeunes musiciens : l’un américain et l’autre français. Comme nous avons de plus en plus de mécènes, américains, français, mais aussi asiatiques, donc de plus en plus de possibilités, avec Auber de Villaine, nous avons eu envie de créer, en plus, un fonds instrumental. Nous faisons ainsi fabriquer des copies d’instruments anciens de très haute qualité, par les meilleurs luthiers de France et d’Europe. Chacun porte le nom d’un grand cru et celui du mécène qui a permis sa fabrication. Cette idée a rencontré un grand succès et nous avons maintenant de plus en plus de contributeurs qui veulent y participer, au point que l’on a du mal à suivre, vu les délais de fabrication des luthiers ! Ces instruments sont prêtés à de jeunes musiciens qui n’ont pas les moyens de les acheter. Tous les ans, il y a une audition pour choisir les très jeunes artistes à qui nous confierons l’un de ces instruments, afin d’accélérer et bonifier leur carrière.

 JMV – Votre choix de programmation musicales est également très grand public. Pour cette année par exemple : Quatuor en ré majeur pour flûte et cordes K285 de Mozart, Zwei Gesänge de Brahms, quintette pour cordes en ut majeur de Schubert, extraits et grands airs d’opéra Faust de Gounod, Traviata de Verdi, Kurt Weil…

 BH – C’est vrai, une grande partie de notre public est constituée de vignerons dont nous avons suivi l’évolution au fil des années, en espérant avoir participé à leur « éveil » musical. Mais cela ne nous empêche pas de tenter des œuvres plus complexes d’accès. Il y a deux ans nous avions programmé le trio n°2 de Chostakovitch pour piano violon violoncelle, avec Jean-Yves Thibaudet, David Chan et Gauthier Capuçon. Cela a été l’un de nos concerts les plus mémorables. C’est pourtant une œuvre moins facile d’accès que Carmen ou une symphonie de Mozart ! Cette saison Chostakovich est encore au programme, ainsi que Korngold….

JMV – Vous parlez de votre public de vignerons, combien de personnes touchez-vous en moyenne ?

BH – Autour de trois mille personnes environ. Il y a une moitié d’étrangers – des Suisses, des Asiatiques, des Américains. Il ya des gens du coin aussi et enfin des amateurs de Bourgogne qui viennent à la fois pour découvrir des vins et écouter de la musique..

 Lire l’intégralité de l’entretien sur Concerclassic.com

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SITE & LIENS

Site du Festival http://www.musiqueetvin-closvougeot.com

Site des Climats de Bourgogne http://www.climats-bourgogne.com

Concert Classic Crédit Jean-Louis Bernuy

 

 

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Jeanne-Martine Vacher