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Mon Journal de Musique: Guillaume Coppola : Les Musiques du Silence

Qu’est-ce que le silence ? Il y a des moments où poussé par le hasard ou la nécessité, on entre dans une église pour abriter sous sa voûte immense le chagrin dont on ne sait plus que faire… Alors, qu’il est pesant le silence de ce Dieu auquel on ne croit pas et sous la protection duquel on voudrait pourtant se laisser aller pour quelques instants d’espoir où d’apaisement… mais ce silence-là reste intact en son opacité, nous laissant parfois plus démunis encore, seuls, face au non-sens de la souffrance, la sienne propre, au pis encore celle de qui l’on aime… mais, il y a d’autres silences, ceux venus de la musique, qui soudain vous habitent, vous emplissent et  ceux-là vous parlent. Ainsi me parlent Chopin, Scriabine, Debussy, Satie, Takemitsu, Granados et surtout Mompou dans l’interprétation infiniment délicate et subtile qu’en offre Guillaume Coppola dans son disque justement intitulé : « Musiques du Silence », l’un de ces disques dont l’on sait dès la première écoute, qu’au-delà de la jouissance musicale, on les gardera tout près de soi, comme une ressource, comme un recours.

Si pour Baudelaire, les parfums, les couleurs et les sons se répondent, ici les musiques se parlent, tissent entre elles un dialogue en un continuum parfait. La note finale de l’une ne meurt pas mais s’éteint en écho dans la première note naissante de la suivante. On ferme les yeux et l’on s’abandonne à l’écoute de cet Angelico de Mompou et quelque trois minutes plus tard alors que s’installe son prélude numéro 5, l’on se rend compte que s’était glissé entre les deux, un  prélude de Ravel que la belle unité de style et d’interprétation de Guillaume Coppola nous avait conduits à écouter  comme ne faisant qu’une avec les deux pièces qui l’entourent.

L’écoute de ce disque éveille en l’auditeur des sensibilités,  des sensualités aussi aiguës que murmurantes. C’est alors que ce qui fait silence n’est pas la musique, mais le brouhaha intérieur, les sonorités chaotiques de l’angoisse ou des  révoltes impuissantes de qui écoute. Ses musiques, dans leurs épures s’autorisent le mouvement, la danse, la palpitation, la rupture, parfois même la dissonance, mais ce disque par son cheminement  et l’interprétation qu’en donne Guillaume Coppola nous offre la sensation d’habiter  un temps particulier. Un temps où la mort n’existerait pas. Un temps vaste et ininterrompu qui durant près d’une heure, mieux que n’importe quelle croyance, nous laisse approcher l’idée furtive d’éternité. Un temps porteur certes de mélancolie, où coloré d’ombres, un temps parfois, hanté d’harmonies troubles et donc troublantes, mais qui sous les doigts de Guillaume Coppola devient au final un temps toujours empreint d’une beauté sereine.  Une sérénité créée de toutes pièces par un interprète dont la virtuosité sait aussi se faire poésie,  poésie créatrice d’une atmosphère « spirituelle » qui semble offrir une parfaite enveloppe sonore au vers du même Baudelaire : Comme de longs échos qui de loin se confondent /Dans une ténébreuse et profonde unité, /Vaste comme la nuit et comme la clarté…

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Publié dans la catégorie

Jeanne-Martine Vacher

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